Chapitre 15
Lundi matin,
suite suite
(c'est qu'il s'en passe, des choses, ce matin !)…
Le moins
que l'on puisse dire, c'est qu'il a réussi son effet, le grand ! Et sans faire
exprès, en plus, parce que le Nigaud agit d'instinct, sans calcul. C'est un
pur, il n'est pas là pour se faire mousser, mais pour faire avancer le
schmilblick, au bénéfice de la société des hommes. C'est un outil au service de
l'humanité, ce grand dadais, au contraire du petit Corse qui vit que pour être
le premier. Et qui n'est manifestement pas content de se faire piquer la
vedette par notre échalas à dégaine de cancre. Un chef d'équipe normalement
constitué est content quand le boulot avance, et que le groupe se révèle
performant. Ben lui, pas. Nous pouvons en déduire que le psychique est à
l'image du physique chez lui : petit, étriqué, tordu. Franchement. On est en
train, enfin, de percevoir un semblant de lueur au bout du tunnel, mais comme
ce n'est pas lui qui l'a vue le premier, cette lumière lui fait de l'ombre… Oh,
je ne m'inquiète pas… Il va finir par être content. Juste le temps nécessaire
pour que le parti que lui va pouvoir tirer de cette découverte prenne dans son
cerveau étroit la place occupée pour l'instant par le ressentiment. Déjà, la
pression redescend, et c'est d'un ton à peine sarcastique qu'il demande :
-"
Serait-ce un effet de votre bonté que de nous expliquer par quel miracle vous
parvenez à cette conclusion ?
- Ben, le
programme que je vous ai parlé, celui de mon pote, m'indique que quatre
adresses emails aux noms que vous nous avez donnés ont été créées à partir d'un
même compte Internet, et vu que le capitaine nous rabat les oreilles sans arrêt
avec les coïncidences qui n'en sont pas…
- Rebat
les oreilles, pas rabat.
- Ben, si
vous voulez, mons…Patron.
- C'est si
simple…" murmure le corsico déconfit, planqué derrière les murailles de
son for intérieur. "Comment ai-je pu rater ça ?
- Vous
avez trouvé le premier brin, Patron, Migaud s'est contenté de tirer dessus",
le pommadé-je grassement. Parce que, voyez-vous, je suis pour le strict respect
de la voie hiérarchique, quand il est au service de l'efficacité, et de ma
tranquillité personnelle. Et plus il rayonne, Fifi, plus je me la coule. S'agit
donc de lui redonner le sourire, ce qui n'est pas difficile. Il suffit qu'il
reprenne la main. Mais voilà. Le Nigaud est une forme d'éléphant rudimentaire.
Il avance dans la savane sans se soucier des obstacles, droit devant, à la
poursuite de cette trompe qui s'agite sous ses yeux. Juste au moment où
zebigboss s'apprête à prendre la parole, sans lever ni le doigt, ni les yeux de
son écran de smartphone, le grand glisse innocemment :
-"
D'ailleurs, j'ai son nom et son adresse. Il s'appelle François Leclerc, et
habite 11 rue Jacques Cartier, à Bourgmoye les Esgourdes, département de Sèvre
et Meuse.
-Encore un
nom qui sent le pseudo, et une adresse bidon !" fielle le chef en montrant
les crocs. Mais l'autre poursuit benoîtement, complètement étanche à
l'atmosphère :
-"
Non non. J'ai la photo de sa baraque sur Google. C'est un vrai pavillon…
- Alors
qu'attendez-vous pour le faire coffrer et l'amener ici ! " hurle Fifi en
se levant d'un bond, avant de quitter la pièce en claquant la porte. La Belette
et le Rital sont morts de rires, tandis que les vioques fixent Migaud la bouche
plus grande ouverte encore que les yeux. Et lui trône au centre de la tablée,
abasourdi de la sortie du boss, dont l'attitude demeure pour lui un mystère
sacré, pour ne pas dire un sacré mystère.
-"
Mais… Qu'est-ce que j'ai dit ?" qu'il demande, en plus, l'effronté. La
Belette l'attrape par le cou et lui colle un gros baiser sur les lèvres, ce qui
lui clôt le bec pour un moment. Mais, bon, le boss a raison, il est plus que
temps d'agir. Depuis qu'il a laissé une victime vivante et en liberté, il a
peut être décidé de plier les gaules, notre tueur. Je donne les ordres
nécessaires, et les poulets s'envolent comme une poignée de… moineaux,
exactement ! Les vioques vont s'occuper de la paperasse, le mandat d'amener
sera transmis directement aux gendarmes sur place. Migaud et le Rital, de leur
côté, partent en voiture pour aller récupérer le gars à la brigade de
gendarmerie de Bourgmoye les Esgourdes. Il n'y a plus qu'à attendre la
livraison du colis. C'est l'affaire d'une demi-journée pendant laquelle je vais
briefer la Belette. Je tiens à ce qu'elle participe à l'interrogatoire du
suspect, mais je veux être certain qu'elle ne lui collera pas une balle entre
les mirettes. Son poing dans la figure, ou un bon coup de genoux dans les sacs
à sirop, à la rigueur, dans le couloir, au passage, parce que dans la salle
d'interrogatoire, il y a une caméra, mais rien de plus. Et vu qu'avec tout ça,
la matinée se termine, je vais en profiter pour changer de chapitre, et vous permettre
d'aller pisser, vu que vous vous retenez depuis trop longtemps, avec tout le
suspince que distille cet ouvrage. Allez-y, soufflez un peu, ne risquez pas une
cystite.
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