Fin du 18...
De la
lecture des deux rapports, il appert… J'aime bien ce verbe, moi, pas vous ?
Infinitif : apparoir. Enregistrez-le ça peut vous permettre de briller en
société, un jour… Il appert donc, disais-je, que le modus operandi de notre
tueur est globalement respecté : Tortures, viols multiples, assassinat. Pas de
traces ni d'empreintes. La porte de l'appartement n'a pas été forcée. Tout
semble bien indiquer que nous avons affaire à notre saigneur. Sauf que…
Quelques points de détails me gênent. J'en dresse la liste pour tout le monde :
-"
premièrement, le digicode a été brisé violemment, et gratuitement, car sa
destruction n'a pu provoquer l'ouverture de la porte. Voilà qui ne ressemble
pas à notre méticuleux ennemi."
Romagne tente une hypothèse :
-" Il
lui fallait aller vite, cette fois-ci, il a peut-être détruit l'appareil pour
pouvoir demander à l'un des occupants de l'immeuble, arrivant avec une clé de
l'extérieur, de le faire entrer, en prétextant l'impossibilité matérielle de
prévenir son hôte.
- C'est
pas idiot, Rital, pas idiot du tout. Mais alors la question est : pourquoi
est-il pressé ?
- Tiens,
c'est vrai, ça, pourquoi ?" s'étonne la Belette. "Il n'avait aucun besoin
de frapper si vite après m'avoir ratée. Au contraire, même, il aurait eu
intérêt à prendre son temps.
- Sauf
s'il voulait que ce meurtre ait lieu pendant la garde à vue de Leclerc, juste
histoire de l'innocenter…"
Ma petite
hypothèse jette un froid. Je les laisse cogiter une minute et j’enchaîne :
-"
autre différence, la durée du bal des vampires. D'après la légiste, la séance a
duré deux heures seulement. Ce qui n'est pas dans ses habitudes.
-
Peut-être que la jeune madame Ferricelli n'a pas pu résister plus longtemps,
son cœur…
- Hélas
non, Mathilde. Elle est morte saignée comme un goret.
- Même
hypothèse que pour le premier élément, cap'taine," expose Médard Lamousson
posément. " Pris par le temps, il voulait dégager le plancher avant le
retour du commissaire.
- Oui,
c'est aussi ce que je pense, et ça renforce l'idée qu'il fallait que le meurtre
ait lieu ce jour là, malgré les distorsions que cela entraînait dans son mode
opératoire. J'ajoute que ça signifie aussi qu'il savait que le commissaire serait
absent toute la nuit.
- Ça,
c'était pas très difficile à deviner, capitaine," intervient le Rital.
"On sait que notre saigneur prépare soigneusement ses coups en observant
le comportement de ses victimes et de leur entourage. Il a du comprendre très vite
que le boss passe une bonne partie de ses nuits au bureau, alors là, avec un
suspect sur le grill…
-
Admettons, ça n'en reste pas moins louche. Troisième point : l'absence
totale d'imagination. Le meurtre de madame Ferricelli, au délire vaudou près,
est assez sensiblement le même que l'affaire qui a entraîné toutes nos
recherches. Mêmes tortures, en concentré, mêmes viols, il a même commencé à la
découper en morceau, sauf qu'il s'est arrêté aux phalanges des mains.
-
Peut-être encore pris par le temps… tente la Belette, sans grande conviction.
-
Peut-être en effet, Isabelle, mais ce n'est pas tant le fait qu'il ne soit pas
allé au bout de son découpage, qui me gêne, c'est plutôt l'impression qu'il a
maladroitement tenté de copier le meurtre précédent, alors que, dans le passé,
il créait chaque fois une situation nouvelle. Plus on avance, et plus je crois
que le meurtre de madame Ferricelli n'est pas imputable au même tueur, mais
plutôt soit à un copieur, soit à un complice de Leclerc qui cherchait à l'innocenter.
Et la précipitation dont il a fait preuve m'incite à considérer la seconde
hypothèse comme la plus probable.
- Je ne
suis pas d'accord avec vous, patron… Euh, capitaine !" intervient de
nouveau le Rital. À mon avis, le même tueur, vexé d'avoir manqué Isabelle alors
qu'elle l'avait nargué, a pu vouloir se venger de la brigade en frappant à la
tête le plus rapidement possible, histoire de nous démontrer qu'il est toujours
le maître du jeu. C'est assez dans les manières de ce genre de tordus,
non ?
- C'est
une possibilité qui n'est pas à négliger, en effet. Même si le strict respect
de leurs habitudes est une sorte de fierté et de signature pour eux…
- Ben moi,
je suis sûre que c'est le capitaine qui a raison. Parce qu'il y a un autre
élément, dans ces paperasses, que vous avez tous pris pour un point commun,
alors, que c'est au contraire une différence !"
Sur ce
coup là, la Belette parait tourner au triphasé. On s'attend presque à lui voir
sortir des étincelles de la bouche.
-"
Nous t'écoutons, Isabelle, qu'avons-nous manqué ?
- Les
viols !
- Ben,
elle a été violée, sodomisée et a sans doute subi une fellation, mais ce n'est
pas la seule…
- Non,
sauf qu'elle a subi ça en deux heures. Or je sais bien, moi, que le tueur ne
peut se retenir plus de cinq minutes, tant son excitation est grande, et qu'il
est tout aussi incapable de remettre le couvert dans les deux heures. Ce n'est
pas le même mec qui nous a violées, cette pauvre femme et moi, j'en mettrais
mon cul sur une plaque électrique !"
Je ne sais
pas pourquoi elle ferait ça, mais si nous étions seuls, je l'embrasserais.
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