Revenons
plutôt à notre grande série sur l'origine des expressions et appellations
diverses. Je vous propose de nous intéresser à la genèse de l'expression :
Les
ingénieurs agronomes
D'abord
et avant tout, il me paraît nécessaire d'affirmer avec force que contrairement
à ce que certaines mauvaises langues voudraient faire croire, il ne s'agit pas
d'une déformation de l'expression "Ingénieur à Grenoble", bien qu'il
soit tout à fait possible d'être ingénieur, ou agronome, ou même les deux, tout
en habitant, ou en travaillant, ou simplement en passant, à Grenoble. En fait,
que ce soit à Grenoble, à Annecy, où même à Triffouilly les doigts, ça n'a
strictement aucune importance, et rien à voir avec l'expression étudiée ici. Donc,
revenons à nos moutons, qui peuvent justement être un sujet de travail pour
certains ingénieurs agronomes, mais pas pour tous, parce que, là aussi, il y a
des spécialités. Certains ingénieurs agronomes ne connaissent absolument rien
aux moutons, à l'exception de ceux qui se rassemblent en troupeaux sous leur
lit (ceci ne concerne que les ingénieurs agronomes encore célibataires mais ne
vivant plus chez leur mère), où de ceux qui paissent en mer dès que le vent se
lâche un peu (ce qui concerne les ingénieurs agronomes qui n'aiment pas le
plancher des vaches). Mais bref derechef.
Travaillons
donc avec méthode : on décompose l'expression en termes unitaires, et on les
étymologise chacun à son tour. Et le premier mot, c'est quoi ? Ingénieur !
Bravo pour celui qui l'a dit le premier. En même temps, franchement, c'était
pas difficile. Origine de "ingénieur" ? Ingénieux ! Ingénieux, non ?
Mais alors, me direz-vous, ce qui prouve que vous progressez, quelle elle
l'origine de "ingénieux". Bonne question, si si si... Ingénieux est
la contraction déformée de "un génie vieux". Je vous sens dubitatifs
. Laissez-moi replacer les choses dans leur contexte. On se ballade, en gros, du
côté du moyen-âge. Les gens vivent dans des villages, et font le même métier
que leurs parents. Seuls, les fils de nobles, les fils d'instituteurs et les
fils de curés vont à l'école, et savent donc lire, vu que les autres ont autre
chose à faire que d'aller bailler aux corneilles dans une classe, appuyés à un
radiateur qui n'avait même pas encore été inventé. C'était, du moins, le point
de vue de leurs parents... Donc, à cette époque, à l'exception des cas cités
plus haut, les mômes ne vont pas à l'école, et triment dès l'âge de cinq-six
ans, soit dans les champs, soit à l'atelier, suivant le métier de leur père.
Sauf que, de temps en temps, dans une famille, nait un gamin pas comme les
autres. Notez, ça peut aussi être une gamine, mais en ces temps barbares,
franchement, il vaut mieux que ce soit un gamin, parce que la gamine,
différente ou pas, personne n'en a rien à foutre, ou, pour être précis,
personne n'en a rien à faire jusqu'à ce que tout le monde ait envie de la…justement.
Enfin, je me comprends. Le résultat reste le même, si c'est une fille, elle
bosse quand même. Donc, concentrons-nous sur le cas de ce garçon qui nait
différent. Bon, aujourd'hui on appelle ça un précoce ou un surdoué, et on
s'organise, grâce à l’Éducation Nationale, pour qu'il redevienne normal,
c'est-à-dire aussi borné que les autres, le plus rapidement possible. Mais en
ces temps reculés, ces enfants là, considérés comme des génies, sont exemptés
de travail, et vont à l'école, même si leur père est boulanger, agriculteur,
voire préposé à la malle-poste, c'est vous dire... Et pourquoi c'est donc qu'ils
font comme ça, les gens ? Parce qu'on ne sait jamais. Des fois, ces gamins là,
sur les coups des quinze, vingt ans, ils se mettent à inventer des trucs pas
ordinaires, comme le petit Blaise Pascal, et sa machine à écrire, son frère
Jean et sa Plume-machine, le petit Papin (pas le footballeur, l'autre) et sa
cocotte-minute, et le petit Papin (pas l'autre, le footballeur), avec ses
papinades, dont personne n'a encore compris le mode de fonctionnement, et
encore les jumeaux Bogdanoff, qui ont inventé le tennis vocal, etc. Seulement,
quinze ou vingt ans, à l'époque, ce n'est pas tout jeune. On dit donc d'un tel
gamin, au moment de sa première invention, qu'il est "un génie
vieux", par opposition à quelques rares cas de génies jeunes, comme le
génie Mozart, concertiste à 5 ans coaché par son père, le génie Toire, père à 4
ans et demi, lui aussi managé par son paternel, Le génie Linnilautre, que
personne ne vit jamais, et dont il est par conséquent impossible de préciser
l'âge, ou encore ce jeune homo, dont l'histoire a oublié le nom, génie qui
lavait sans bouillir dès sa première année. Par rapport à ces gamins, nos
adolescents étaient donc des génies vieux. L'expression s'est ensuite déformée
par disparition phonétique du v à cause de l'accent du terroir (comme dans
l'expression Ben mon 'ieux ) pour devenir ingénieux, puis ingénieur, la
terminaison en "r" signifiant que c'était devenu un métier.
Passons
maintenant au deuxième mot : "agronome". Ces enfants pas ordinaires
utilisaient leurs talents dans des tas de domaines différents. Seulement, à
l'époque, ce qui intéressait essentiellement les gens, c'était de se nourrir.
Les génies vieux les plus appréciés étaient donc ceux dont le talent s'exerçait
dans le domaine agricole. Ah, ça y est, j'en vois des qui pensent que
"agronome" vient de "agricole". Trop simple, beaucoup trop
simple. Non mais, prenez ma place, tant que vous y êtes, si vous vous croyez si
malins ! Silence dans la classe, ou je finirai pas perdre le fil. Donc, les
génies qui inventent des trucs agricoles sont les plus recherchés à la
campagne, et, à l'époque, à part la campagne... Seulement voilà, le génie a une
caractéristique, il veut toujours savoir s'il est meilleur que les autres
génies. Et, pour ça, il a fallu déterminer une valeur étalon, permettant de les
comparer objectivement. On a essayé beaucoup de choses, en organisant par
exemple des concours de la plus belle fraise (d'où l'expression ramène ta
fraise, et oui), sauf que les fraises ne poussent pas partout. On a essayé
d'autres fruits qui ont, eux aussi, donné naissance à des expressions. Ainsi,
l'utilisation du melon comme étalon a donné l'expression "il a un melon
gros comme ça" (en écartant les bras) pour parler d'un type qui se prend
pour un génie. Mais rien ne fonctionnait vraiment, toujours à cause des
particularités locales. Tel génie habitant le Vaucluse, du côté de Cavaillon,
par exemple, premier au classement de melon, se retrouvait dans les choux quand
il ramenait sa fraise à Plougastel... Jusqu'au jour où l'on trouva enfin le
truc qui pousse partout de la même façon, dans les mêmes conditions, et qui, du
coup, permet d'organiser des comparaisons objectives: le nain de jardin. On en
fit l'étalon incontestable de l'intelligence et du bon goût, ce qu'il est
toujours. Les meilleurs étaient donc ceux qui avaient les plus gros nains de
jardins. C'est ainsi que naquit l'expression "un génie vieux à gros gnomes".
Et
je vous fait grâce de vos commentaires. Si vous n'êtes pas contents, vous
n'avez qu'à écrire vos propres élucubrations. Par ailleurs, je vous affirme, sans
rire, que l'histoire de France est pleine de trucs beaucoup plus louches que
cette explication, et que vous prenez pour des vérités vraies… Je n'en dirai
pas plus, il y a des spécialistes pour cela, je ne vais quand même pas leur
ôter le pain de la bouche!
Sur ce, bonne journée à tous
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