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mardi 23 octobre 2012

Le Denim, tissu d'Orient ?



Que diriez-vous maintenant de revenir au style parodique. Je vous propose d'égratigner un peu Victor Hugo. J'ai pour l'homme autant que pour l'écrivain, une admiration sans bornes. La qualité ET la quantité, que demander de plus. Certains lui reprochent un manque de finesse. J'aimerais les y voir, tiens. Hugo, c'est performance sur performance, défi sur défi… Prenez les Djinns, ce poème original dans la forme, extrait du recueil "les orientales". Ce n'est peut-être pas son plus beau poème, mais quelle virtuosité dans la construction ! C'est bien simple, je n'ai pas pu m'empêcher de le parodier à son tour, mais je vous incite à redécouvrir l'original…

Les Jeans
Vitrines,
Comptoirs,
Cabines,
Miroirs.
Les grilles,
Résilles,
Roupillent.
Tout dort.

Le matin
Naît sans bruit.
C'est la fin
De la nuit.
Le vacarme
Comme une arme
Et sans charme
Retentit.

La grille de fer
Tremble et se lève
Et la lumière
S'allume et crève
L'obscurité
Encore hantée
D'éternité.
Finie la trêve.

La foule s'approche.
On est samedi !
Elle attend la cloche
Qui désengourdit
Tout le personnel,
Qui prend sous son aile
Cette clientèle
Et qui la conduit.

On se rue à l'étal
Des Jeans ! C'est ce qu'ils veulent !
Fi des robes de bal
Et des étoffes veules.
Sur un rayon s'amassent
Les clients qui entassent
Dans un cabas la masse
De leurs abris à meules.

C'est la mode du jean qui lasse,
Qui ennuie le commerçant !
La grosse toile lui casse
Les bonbons depuis longtemps.
Qu'il soit large qu'il soit étroit,
Qu'il soit court, long, bouffant, droit,
On l'achète trois par trois
Pour le grand-papa et l'enfant.

Pour le travail ou le loisir,
Pour le snob comme pour le ringard,
La toile bleue seule fait luire
Le désir dans tous les regards.
Le smoking résiste toujours,
Aussi la robe de velours!
Que se maintiennent ces atours
Qui méritent tous nos égards.

Cris au Sentier ! Voix qui hurle au rabais !
L'horrible tas, à coups de promotion
S'abat jusque dans les plus beaux quartiers,
S'insinue dans les plus belles collections.
La profession crie et chancelle, peinée.
Que de tissus, de couleurs malmenés !
Quelle dictature de l'uniformité !
Contre la toile bleue luttons, luttons !

Futur ! Si ta matière plastique,
De la toile maudite et bleue
Délivre enfin la mode chic,
Confiant, je deviendrai vieux.
Crée pour nous des tissus nouveaux,
Pleins de motifs sombres et beaux
Et reconduit ces oripeaux
Aux carrioles de leurs aïeux.

Imaginons l'univers
Délivré de leur cohorte
Voici le rouge, voici le vert !
Ce ne sont plus couleurs mortes…
Mais les jeans encore résistent
Exhibent leur couleur triste,
Monotone, socialiste,
Et s'accrochent à la porte.

Ils faiblissent pourtant,
Et souvent se déguisent.
Certains sont presque blancs,
D'autres de couleur grise.
D'autres comme des sacs,
Que dis-je ? Des hamacs !
Pendent aux culs des macs
Et d'une racaille soumise.

Pattes d'éléphant,
Jambes cigarettes,
Diminuent les grands,
Vêtent les fluettes.
De pays lointains,
En bateau, en train,
Des tas de vilains
Jeans encore nous guettent.

Très bon marché,
Ou bien très cher,
Bien maquillé,
Ou simple et fier,
Le jean inonde
Tout comme une onde
Les terres fécondes
D'hypermarchés.

Foule passe
Et se sert.
Jamais lasse
Du pervers.
Jeans toujours
Tous les jours
Long ou court
Fait l'affaire.

On doute
Qu'un jour,
Déroute,
Il courre.
Tant pis
Je fuis
L'habit
De cour.

Ouf ! Non ? Cent vingts vers ! Il ne mégotait pas le père Victor. Je n'ai rien d'autre au frais, en ce qui le concerne, mais ça m'étonnerait quand même qu'il ne m'inspire pas un nouveau pastiche avant que je n'inscrive le mot fin sur la dernière page de ce blog. Ses vers célèbres sont trop nombreux pour qu'à un moment ou à un autre je ne cède pas à l'appel de ses mot.
Je vous souhaite une bonne journée

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