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dimanche 21 octobre 2012

Si Dom juan m'était conté : les personnages



Comme je vous l'ai promis hier, nous poursuivons l'étude de Dom Juan par une présentation des protagonistes de l'affaire
 Les Personnages
Cette comédie dramatique comporte un nombre important de personnages, ce qui prouve qu'à l'époque où elle fut écrite, les charges sociales étaient supportables pour un directeur de troupe. En fait, elles n'existaient pas, ce qui simplifiait le problème.
Vous aurez noté dès le titre de la pièce que les noms de famille précèdent les prénoms, comme cela se pratique dans l'administration. Nous sommes ainsi en présence de membres d'une même famille, la famille Don. D'un côté, on a donc Louis Don, le père, et Juan Don, son fils. D'un autre côté, on a Carlos, Alonse et Elvire Don, deux frères et une sœur d'une autre branche de la famille Don. Même s'ils sont très présents, ce ne sont pas des cadeaux que ces Don là.
Avant le début de la pièce, Elvire a épousé Juan. Donc Carlos et Alonse sont les beaufs de Juan, et Louis le beau-dabe d'Elvire. Vous suivez ? Il ne faut surtout pas se laisser désarçonner par le fait qu'ils ont tous le même nom. D'une part, l'action se déroule au sein de la noblesse, où l'on pratique volontiers le mariage consanguin. D'autre part, on notera que les auteurs ont situé l'intrigue dans un royaume qui ressemble beaucoup à l'Espagne, pays dans lequel le nom "Don", ou "Dom" est assez répandu. C'est un peu l'équivalent de notre Dupont, si vous voulez. En fait, on va étudier ici l'histoire d'un mec qui, en gros, s'appelle Jean Dupont. Avouez que ça démystifie un max, non ?
Le fait de situer l'histoire en Espagne, ou, plus exactement, dans un royaume qui lui ressemble comme un jumal, a un double but. Si les auteurs ont choisi cet artifice, c'est en effet pour leur permettre de critiquer un milieu - la noblesse - en laissant supposer que la critique porte en fait sur un pays concurrent, dont les nobles ne sont évidemment rien que des barbares et des malfaisants, afin que la noblesse d'ici ne se sente pas trop directement concernée, parce qu'on ne sait jamais, avec ces gens-là, vu que certains d'entre eux connaissent le roi et que d'autres financent les pièces ! Donc, jouer les bouffons, d'accord, mais avec prudence, c'est-à-dire en sauvant les apparences. On notera également qu'Elvire est décrite comme la légitime épouse de Juan (sa meuf ). Il est nécessaire de préciser ce détail, vu que le Juan, à la manière du pou sur les cheveux, ou du morpion sur… le joueur de tabac-presse, le Juan disais-je, a la manie de sauter sur tout ce qui porte une robe et qui bouge. On prétend même qu'un certain évêque… Et que c'est pour ça que le Bon Dieu… J'anticipe, mais notez-le déjà, avec Don Juan, l'orthographe est importante: Il préfère l'X dans le pieu qu'à son extrémité…
Un autre type important, c'est le valet de Juan, un nommé Sganarelle. Il ne le quitte pour ainsi dire jamais. L'artifice est assez grossier. Quand Juan parle à Sganarelle, c'est en fait au public qu'il envoie son message, mais l'air de rien. De même, quand Sganarelle lui dit des trucs, c'est les trucs que les auteurs pensent que le public voudrait dire à Juan. Si le public est d'accord, il fait oui, oui, de la tête, mais dans le noir ça ne se voit pas. S'il n'est pas d'accord avec ce que dit le valet, en revanche, il n'en a rien à foutre, vu que, justement, c'est pas lui qui cause, c'est Sganarelle ! Si certains trouvent la méthode originale, c'est qu'ils feraient mieux d'aller plus souvent au théâtre.
Les autres personnages sont des seconds couteaux dont on peut quand même dire un mot. Il faut savoir en effet que Poquelin avait exigé de tous ses afro-scénaristes (le terme "nègre" est aujourd'hui politiquement incorrect dans une analyse littéraire) qu'ils donnent aux personnages secondaires des noms significatifs, pour qu'il puisse les reconnaître et ne les mélange pas, vu que ce n'est pas lui qui écrivait. Par exemple, Gusman, c'est l'écuyer d'Elvire. Son nom signifie combien il a peu d'importance. Il est n'importe qui, un gus quelconque, Man, yo ! Charlotte, Mathurine et Pierrot sont les paysans du coin, et donc ils sont pauvres et analphabètes, vu qu'à l'époque, on ne connaissait ni la politique agricole commune, ni les médiathèques dans les bourgs de campagne. C'est également un moyen de flatter un peu la noblesse qui constitue l'essentiel de l'assemblée et qui, peut-être, aurait pu ne pas être complètement convaincue par le coup de l'Espagne. On n'est jamais trop prudent. Donc, les cons, c'est le bas-peuple, et tout le monde est content, vu que le bas-peuple en question n'est pas invité aux représentations, et que, du coup, il ne sait pas que les particulés se moquent de lui dans son dos.
Mais poursuivons notre découverte des personnages. La Ramée, c'est un spadassin, c'est-à-dire un soldat d'un autre pays, qui est là pour le pognon. Un casque bleu de l'époque, en quelque sorte. Son nom peut signifier deux choses. Soit il est bête, et donc, il rame, en termes populaires (comme dans l'expression "arrête de ramer, t'attaque la falaise"), soit c'est un frimeur, qui "la ramène" sans arrêt ! De toutes façons, on s'en fiche, on va péniblement le voir dans une seule scène, et courte en plus ! La Violette et Ragotin sont les laquais de Juan. On peut supposer que La Violette devait être un peu làlaire, si vous voyez ce que je veux dire. Et si vous ne voyez pas, allez vous faire cajoler chez les Hellènes, les choses vont paraitront immédiatement plus claires… Ragotin, de mon point de vue, est plus intéressant. Dans Ragotin, il y a ragot. Donc, ce quidam là est celui qui répand les rumeurs… Vous me suivez ? Et il fait quoi, comme métier, Ragotin ? Il est laquais, tout juste. Comme les canards ! (mais si, les canards laquais…) Ce qui nous indique que le Molière estimait que les journaux ne racontent que des bobards ! Vous mordez le raccourci ? Vous saisissez le pamphlet sous-jacent ? Vous n'imaginiez pas qu'il y avait tout ça, dans Don Juan, en commençant cette lecture, pas vrai ? Moi non plus. Mais poursuivons. Nous avons encore le marchand, qui s'appelle monsieur Dimanche. D'où nous déduisons que l'ouverture dominicale des commerces provoquait déjà des controverses au dix-septième siècle. On a encore un pauvre, vraisemblablement un copain désargenté des auteurs, qui ont voulu lui donner du boulot, et enfin un spectre qui se balade dans le coin, et une statue de Commandeur qui parle, ce qui tend à indiquer que les auteurs ne buvaient pas que de l'eau.

Demain,  nous attaquons l'analyse de l'action, scène par scène, avec commentaires adaptés à un lectorat... contemporain. Bonne journée à tous

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